Le 27 mai 1980, trois jours avant son premier voyage pastoral en France, Jean-Paul II s’adressait en ces termes aux Français : « Tout d’abord, la France est la fille aînée de l’Église. Et elle a engendré tant de saints. Je pourrai ajouter qu’il existe sur le sol de France beaucoup de lieux auxquels je me rends souvent en pèlerinage par la prière et par le cœur (…) Comment ne pas évoquer aussi, dans cette perspective, l’œuvre culturelle de votre pays, son apport à la culture générale et dans le domaine proprement catholique ? Que de noms illustres dans votre tradition séculaire. Oui, au cours de ce même siècle, que de figures dont le rayonnement a dépassé vos frontières, et dont beaucoup me sont personnellement très proches (…) Je pense à l’influence que la culture française, dans les domaines de la philosophie, de l’histoire, de la littérature et que la pensée de théologiens français ont exercée et exercent toujours sur tant d’hommes et de sociétés (…) L’Église doit au peuple de France, qui a beaucoup reçu et aussi beaucoup donné, quelques unes de ses plus belles pages : des grands ordres religieux, tels que Cîteaux et les Chartreux, aux cathédrales, ou à l’épopée missionnaire commencée au siècle dernier« .

Jean-Paul II s’est ainsi exprimé plusieurs fois sur les raisons de son attachement à la France, attachement qui explique que cette nation ait été la plus visitée par le Saint Père, avec celle de Pologne. Dès ses premiers discours, en 1980, Jean-Paul II soulignait son attrait pour ces sanctuaires – Ars, Lisieux, Lourdes, Sainte-Anne d’Auray, etc – qui seront effectivement les étapes de ses voyages en France.

Cet attachement s’expliquait aussi par le parcours de Karol Wojtyla : Deux Français ont participé indirectement à sa formation alors qu’il se destinait au sacerdoce. D’abord saint Louis-Marie Grignion de Montfort, dont Karol Wojtyla a découvert le Traité de la vraie dévotion à la Vierge Marie. Il lui a emprunté sa devise Totus tuus (« Tout à toi »), formule de consécration à la Vierge Marie. Également saint Jean-Marie Vianney, le Curé d’Ars dont il s’inspirait quand il embrassait le sol d’un pays qu’il visitait pour la première fois. Il a été impressionné par le « ministère héroïque » du Curé d’Ars à son confessionnal. Formé à l’université polonaise, le futur Pape a découvert les penseurs allemands ou slaves, mais son anthropologie héritée de saint Thomas d’Aquin se nourrissait également du personnalisme né en France dans les années Trente autour d’Emmanuel Mounier.

Au cours de ses études, il avait eu l’occasion de découvrir la France pendant l’été 1947. Il avait été séduit par les cathédrales gothiques, mais aussi par l’expérience naissante des prêtres ouvriers, qui lui avait inspiré son premier article dans le journal Tygodnik Powszechny.
Des relations de confiance

Jean-Paul II a effectué huit voyages en France (sept en métropole et un à La Réunion) : visitant plusieurs régions, il s’est recueilli dans les principaux sanctuaires et s’est aussi rendu auprès d’organisations internationales présentes sur le sol français comme l’UNESCO et le Parlement européen. Enfin, le succès spectaculaire des XIIes Journées mondiales de la jeunesse, qu’il a présidées en août 1997 à Paris, a constitué un événement majeur dans la vie de l’Église en France.

Cet intérêt de Jean-Paul II pour la France s’est aussi manifesté à travers la présence française à Rome, qui a été maintenue durant son pontificat : plusieurs cardinaux ont occupé des postes clé à la Curie romaine durant de longues années : outre ses nombreux voyages effectués à la demande du Pape, le cardinal Roger Etchegaray a présidé les conseil pontificaux « Justice et Paix » et « Cor unum », puis le Comité pour le jubilé de l’an 2000 ; le cardinal Paul Poupard a présidé le Conseil pontifical pour la culture ; Mgr Jean-Louis Tauran a été en charge de la diplomatie vaticane. Jean-Paul II avait également nommé le généticien Jérôme Lejeune à la tête de l’Académie pontificale pour la vie et l’économiste Edmond Malinvaud à celle des sciences sociales. Le pape Jean-Paul II a toujours suivi attentivement les recherches théologiques en France, élevant au cardinalat de grands théologiens français, comme Yves Congar et Henri de Lubac.

Les relations de Jean-Paul II et de l’Église catholique en France étaient empreintes d’estime réciproque, régulièrement vérifiée à l’occasion des visites ad limina des évêques à Rome, dont les dernières se sont déroulées de novembre 2003 à février 2004.

Jean-Paul II a canonisé une trentaine de Français : des martyrs en Chine (Jean-Gabriel Perboyre), en Corée et au Vietnam, des fondateurs de congrégations religieuses (Eugène de Mazenod, Claudine Thévenet, Marie-Léonie Aviat). Il a béatifié près de deux cents Français (Frédéric Ozanam, des martyrs de Vendée). Les deux derniers Français béatifiés par Jean-Paul II – le 3 octobre dernier – étaient Pierre Vigne et Joseph-Marie Cassant. Jean-Paul II a aussi élevé Thérèse de L’Enfant Jésus à la dignité de docteur de l’Église.

 

 

Au puits de Jacob du 10 Octobre 2022 JEAN PAUL II ET LA FRANCE 2
la géographie sacrée de la France selon Jean Paul II avec Eric Picard, historien (2/2) Le pape polonais sillonnera la France pour réveiller les chrétiens à la suite des Martyrs et des Saints de France.