Ces jardins qui nous réparent
L’évolution significative du chiffre d’affaires des jardineries depuis une dizaine d’année, en France, est éloquent : nous cultivons nos jardins avec passion, déraison même …et la période COVID n’a fait qu’amplifier le phénomène, même si l’inflation récente des prix a un peu brider notre enthousiasme
Qu’allons-nous donc chercher dans nos plates-bandes, dans nos allées, dans le petit bois derrière chez nous, dans les hortillonnages partagés , qui nous motive tant à gratouiller la terre, planter des bulbes , couper , sarcler , biner , arroser , semer de La sauge , de la menthe , de La lavande , des soucis, de La camomille , de la guimauve, de la mélisse ?
En agissant ainsi, aux jardins, n’aurions-nous pas des désirs de thaumaturge : faire des miracles avec le vivant comme un dieu qui, lançant un vulgaire haricot flétri, voit jaillir l’arbre magique de ses rêves chargé de mille fleurs ?
Il y a probablement un peu de ce désir là dans nos passions horticoles : du néant, d’un bout de terreau noir que rien ne distingue d’un bout de friche industrielle, va jaillir, grâce à nous, un rosier splendide, un hortensia vif , des lauriers orgueilleux , un camélia prétentieux voir , oh sublime joie , une pivoine rose symbole de l’amour .
Ces jardins, que nous cultivons avec délice, nous soignent mieux que toutes les plantes médicinales que nous pourrions ingérer en décoction diverses : le miracle de la création qui, au printemps, fait flores à notre profit, nous renvoie à l’Eden perdu …le rêve s’accomplit loin des misères et des contraintes d’un quotidien parfois rude : nos courtils nous guérissent du temps qui passe , de notre agénésie , d’un désespoir que notre impuissance pourrait faire émerger
Car oui, un beau jardin, patiemment travaillé et ensemencé : ce sont des couleurs chatoyantes, des graines qui volent au vent nourrissant les pinsons, un arbre qui délicatement se penche pour ombrer notre sieste , une herbe soyeuse qui viendra cueillir avec douceur l’enfant qui choit , courant après son ballon
On saisit mieux ce qui nous motive alors Et puis, n’y aurait-il pas, en plus , dans cette frénésie horticole , sans qu’on le formule tout à fait ou qu’on en soit totalement conscient , un travail , le jardinage , qui évite l’ennui , occupe le temps, produit de la richesse et peut éloigner du vice : c’est voltaire dans son Candide qui l’exprime le mieux : il faut cultiver son jardin : au propre comme au figuré
il faut cultiver son jardin : au propre comme au figuré