Cultiver l’éphémère

 

Devant le grand drame du monde, du climat qui déraille, des haines nouvelles qui apparaissent, de la misère, d’une élection ratée à l’Est, Quoi de plus fugace et insignifiant qu’un feu d’artifice, un diner entre amis, un bouquet de fleur posé sur un guéridon.

Qui oserait raisonnablement opposer au sérieux d’une vie responsable, chargée de contrainte et de devoir, la précarité d’un baiser sur la joue d’un enfant, le frêle et ponctuel salut d’un passant qu’on reconnait …Ce serait être vraiment insolent d’en faire la promotion et considérer à poids égal une vie bien ordonnée et ces instants fugitifs.

Pourtant, Cultiver l’éphémère n’a rien de futile ; c’est ce moment unique qu’on offre et qui a donné tant de travail, c’est cette fleur qui a pris tant de temps et de soin à faire advenir et qui fane en un instant mais dont la beauté subjugue, c’est ce château-fort fait de sable par les mains d’un enfant et que la marée emporte, c’est aussi cette statue antique, faite de cire, qui a exigé tout le talent de l’artiste et qui fond dans la rotonde d’un musée puis disparait en fumée ;

 

Nous sommes de perpétuels chasseurs de rêves et l’éphémère est notre gibier de choix ; Nous traquons inlassablement, dans la forêt de nos désirs, dans les champs de nos espérances, ces instants qui vont enchantés nos vies.

Trois quartiers de pomme fraiche, quelques ronds de tomates au sel, un morceau de pain, un bout de fromage, le vin dans la carafe, le soleil s’épanouie dans le ciel, l’air ondoie : … tout est simple, la table est mise et avec elle vient une saveur sans fard ; le gout d’un bref instant qui va s’enfuir, on le sait, mais qui comblera une journée., une vie …

Il restera de ces courts moments, un gout de sucre sur la langue , une indéfinissable joie , un souvenir bien plus entêtant que le temps qu’a duré l’instant ; un vide se comble parfois à leur évocation et le désir que cela recommence est lui bien tenace , qui nous pousse et nous taraude : Vite que cela revienne et qu’on reconstruise , qu’on rebâtisse,  par notre incessant labeur , ce temps suspendu , presque miraculeux , ….ce temps d’un instant !

Finalement, Cultiver l’éphémère, c’est faire la nique au temps qui s’en fout et qui file aveugle, c’est laisser une trace indicible dans l’espace comme la lumière d’une étoile déjà éteinte…

Cultiver l’éphémère, c’est être éternel … !!!

 

Cultiver l'Ephémère - Le Billet d'humeur par Eric Bouron
Vivre des moments uniques