Bonne année à tous chers auditeurs,

 

Aujourd’hui, en ce début d’année 2023, j’ai choisi de vous parler d’un vieil ami disparu, il y a quinze ans, et dont le nom, à lui tout seul, est comme un enchantement: son nom d’écrivain était Julien Gracq!

« J’espère mourir vite », disait-il «  dès que les chemins de la terre ne me seront plus ouverts ».

Il est mort à 97 ans quand ses pas ne pouvaient plus le porter sur les sentiers de Saint-Florent-le-Vieil, en bords de Loire, où il était né et où il est enterré.

Julien Gracq, de son vrai nom, Louis Poirier, était un marcheur impénitent et un guetteur insatiable.

Il avait grandi à l’ombre des arbres et des chuchotements des « eaux étroites » qui bordaient la Loire face à l’ile batailleuse qu’il observait, nuit et jour, de sa grande maison sur le rivage… Edité de son vivant dans la prestigieuse Pléiade, il refusa en 1951, le prix Goncourt pour son admirable « Rivage des Syrtes » lu dans le monde entier par des dizaines de milliers de lecteurs… Lui qui avait été élève au lycée Clemenceau à Nantes considérait que la littérature se suffisait à elle-même et qu’elle avait d’abord besoin de véritables connaisseurs.

Dans son oeuvre, la Bretagne eut une place à part, apparaissant comme une province de l’âme, un au-delà du monde, un ailleurs de limons et de rêves entremêlés. Une sorte de « finistère » d’émotions et de ressouvenances.

Ecrivain frontalier, cet homme des bords de Loire qui fréquentait la côte vendéenne chaque été, a bâti un monde singulier et fluide aux frémissements incomparables.

Un livre de Gracq c’est d’abord une odeur de varech et de silex éclaté, de hautes herbes agitées par le vent, une fraicheur iodée, des grèves à marée basse, une respiration tranquille, le soir, des rivières et des arbres!

A notre époque où la littérature sans estomac s’étiole dans l’insignifiant, il est bon de retrouver une écriture limpide et étoilée.

C’est pourquoi chacun de ses livres, romans ou essais, est bordé par le souffle contenu des vents de l’Ouest qui traduit parfois les confidences du temps!

Prenez le temps de le lire en découpant parfois chacune des pages de ses livres à la main comme au bon vieux temps!

La littérature, la vraie, celle que l’on intériorise er que l’on garde avec soi toute sa vie, procède d’une alchimie singulière que Julien Gracq, mieux que tout autre, en sourcier de l’encre et des mots, fit fleurir et refleurir, pour nous, toute sa vie…

 

Le rivage des Syrtes - par Hervé Louboutin
Son nom, à lui tout seul, est comme un enchantement. Prenez le temps de lire Julien Gracq!