La salle se remplit peu à peu, bruissant de l’écho des conciliabules. Dans les travées ; les ouvreuses, comme un ballet d’elfes, déposent de-ci de-là, vers les sièges assoupis, le public qui afflue, ombres pales sur la moleskine rouge.

La lumière, d’abord puissante, décline enfin et le silence se fait, sur la scène éclairée.

La voila qui entre en scène, seule, dans la lumière crue et centrée d’un sunlight zénithal ; Dans l’ombre, derrière elle, s’agitent les violoncelles, les hautbois, les cordes, un saxo une viole

L’écho grandissant des tambours surgit d’un coup et transforme l’orchestre en une vague déferlante.

Dans sa robe, elle frémit sous la puissance qui gronde en coulisse ; le satin bleu du vêtement flotte légèrement ; On la sent fléchir devant la salle comble mais avec ardeur elle lève les baguettes et , d’un geste,  ordonne le silence qui s’installe puis , délicatement , d’un lent mouvement arrondi, elle donne le tempo d’une symphonie qui enfle , grossit , se développe et remplit l’espace de la salle pour servir le public médusé.

Les chevaux galopent, les oiseaux s’envolent ; le soleil tremble, la plaine est saccagée et les héros meurent sous la baguette du chef

Les muscles saillants, le corps tendu, elle entame un corps à corps avec l’orchestre maîtrisant vaillamment le flot impétueux qui l’entoure ; les perles de sueur coulent le long de son cou, quelques mèches se collent sur les tempes, son corps comme un arc se tend vers les musiciens pour leur donner son souffle et son inspiration : la lutte est puissante, La bataille fait rage et l’artiste, seule en pleine lumière., y jette toutes ses forces pour accoucher l’histoire que la musique raconte. C’est l’or du Rhin qui jaillit, , c’est Nibelung qui vole le trésor , c’est l’anneau maléfique qui tombe au fond de l’eau , c’est Siegfried qui terrasse le dragon et s’empare du trésor…la musique est puissante et décrit  la colère des dieux ; Dans ce tintamarre , les héros surgissent , naissent ou meurent et la baguette tressaute et virevolte comme une guêpe effrayée

Puis, petit à petit, le son désenfle et meurt, là devant, sur la salle qui s’éclaire… le silence se fait lourd et chargé d’émotion.

Enfin le public ébaubi applaudit à tout rompre ; réclamant encore et encore que la bataille renaisse, que l’or brille encore sous la lune blafarde.

La bataille s’achève, elle était rude dans l’incandescente lumière de la scène, l’artiste est vainqueur cette fois-ci… Chapeau bas !

Salut l'Artiste - Le Billet d'humeur d'Eric Bouron
Rendez vous en Salle.